A LA CHALEUR DU FEU, TOUT DEVIENT EAU

Depuis plus d'une semaine qu'il séjournait en ces lieux afin de pouvoir converser avec la Souveraine et lui faire part de ses craintes au sujet de la mobilisation des Bannis. Suite à la traque du Banni Mormont que Vuzlin Arthrond, le Patriarche des Merisiens et lui-même avaient accompli, la rumeur se retrouva très bien fondée et il était grand temps pour le jeune Eradrin d'en parler avec la Troisième... Après la Souveraine des Ondaliens, il devrait voir le Grand Pontife des Éthérés et ainsi les Quatre seraient au courant de la Menace Fantôme qui plane actuellement sur l'Equilibre du Monde. Il était grand temps de trouver une solution, se disait-il souvent mais il savait parfaitement qu'il ne pourrait s'allier pleinement avec eux... Cette nuit-là, le jeune souverain des Eradrins avait eu un sommeil légèrement agité... Il avait revu la scène de la Mort de ses parents. Ce fameux roi de pacotille des Bannis payerait pour ces crimes, il brûlera Thorgal de ses Flammes quitte à utiliser la Forme Ardente... Même si ses Trois Homologues ne l'accompagnent point dans sa quête, il ne cesserait jamais tant que le dernier des Bannis aura encore du souffle et ce même si ce sont des Enfants!!! Il s'était donc réveillé en sursaut et constatant qu'il était encore tôt, il avait décidé de s'asseoir au rebord de sa fenêtre afin de regarder la Cité des Ondaliens plongée dans le sommeil. Il était resté sur ce rebord durant les quelques heures qui restaient de sommeil durant lesquelles il n'avait cessé de réfléchir sur son futur plan pour convaincre ses Trois Homologues. Pour la première fois depuis qu'il avait été choisi pour devenir Héraut, le jeune Eradrin ne pensait pas à lui-même mais au sort des Nations d'Elirondia. Rien que d'y penser, cela l'énervait mais il n'y pouvait rien y faire... En tant que Souverain de la Nation du feu, il se devait de montrer l'exemple et de s'unir avec les Trois autres Nations... Les quelques minutes qui restaient avant le lever du soleil, lui semblait comme une éternité car elles passaient si lentement... Il avait lentement fermé les yeux et attendait patiemment...

chant d'un coq

Le chant d'un coq au loin dans la Cité réveilla le jeune souverain, qui s'était finalement endormi en boule sur le rebord de sa fenêtre. Il se leva donc et descendit sur le plancher de sa chambre afin de pouvoir s'étirer. Durant son étirement, il remarqua que le soleil se levait lentement sur la Cité, la baignant dans un halo de lumière tamisée de couleur dorée, orangée...

Inspirant profondément, il se dirigea vers la salle de bains afin de se décrasser. Il se lava rapidement, puis il s'habilla tout aussi vite, enfilant sa légère cotte de maille sous sa chemise de soie blanche préférée. Celle-ci fut tricotée par sa mère lorsqu'il était plus jeune et jamais il ne l'avait quittée. Seul souvenir de sa mère défunte qu'il avait juré de venger... Il finit de s'habiller, prit son épée et la mit à son côté. Finalement, il sortit de sa chambre et se dirigea vers la sortie du Palais. Tout au long de son chemin, les Ondaliens le saluaient respectueusement, du fait de son Rang important: saluts auxquels le jeune souverain répondait d'un simple hochement de tête sans daigner lancer un regard à la personne. Après quelques petites minutes de marche dans les couloirs du Palais, il atteignit enfin la sortie. Aussitôt, il se sentit revivre, moins confiné, en effet il inspira longuement et s'exclama d'un air joyeux:

- Quelle sensation! Dommage que ce n'est pas comme en Phoebia! Il cessa son manège car il avait senti la présence de son Chef de Garde qui était venu, comme tous les matins depuis leur arrivée en territoire de l'Eau, lui faire un rapport détaillé de tout ce qu'il avait notifié dans les agissements de leurs hôtes à la peau bleutée. Il arriva à la hauteur du Héraut et dit en s'inclinant:

Bonjour Mon Seigneur! Le rapport du matin reste inchangé, néanmoins d'après mes informateurs et d'une missive que j'ai reçu ce matin même par pigeon postal, les Communautés souhaiteraient s'entretenir avec vous pour discuter de cette menace fantôme des Bannis. Que dois-je leur répondre?

Le jeune souverain le regarda de toute sa hauteur en souriant légèrement mais sans grande conviction. Son chef de garde était tout aussi grand que lui et possédait d'étonnants pouvoirs, dus à son âge et son expérience. Il était puissant, fidèle et surtout il n'hésitait pas à faire respecter les lois à sa manière: voilà la raison principale qui avait poussé le jeune Eradrin à le désigner comme son protecteur principal... Jathel fit un léger rictus puis répondit de son habituelle froideur:

- Bien! Dis aux Chefs que je serai très bientôt de retour sur nos Terres et que le Conseil aurait de nouveau lieu mais cette fois-ci d'urgence. Je leur ferai communiquer la date d'ouverture de la session du Conseil. Voilà... Merci de ces informations, je dois vous laisser. Je me dois de trouver la Souveraine de ce Peuple. Sans rien ajouter, il fit volte face et laissa son chef de garde seul. Celui-ci avait simplement hoché la tête: habitué à cela depuis quatre cycles...

Marchant lentement dans une direction qu'il ignorait royalement, Jathel était parti à la recherche de la Souveraine Brost. Sur son chemin, il s'était par moments arrêté afin de demander si les personnes qu'il croisait avait vu ou même aperçu la jeune femme. Après quelques minutes, il apprit finalement que la Souveraine était dans la cour du Palais de l'eau. Tournant les talons, il prit de nouveau le chemin du Palais. Au lieu de rentrer dans le bâtiment, il le contourna et se retrouva dans les Jardins... Magnifique! Il s'enfonça dans cette immensité de verdure et de fleurs, puis il la trouva enfin... Contemplant des fleurs, la Souveraine des Ondaliens était encore plus magnifique en vrai que dans ses songes. Il inspira en lissant sa chevelure puis il s'avança vers elle et dit d'une voix pleine de courtoisie:

- Bonjour très chère, puis-je me joindre à vous?

• NOUS CONNAISSONS NOUS ?

Le soleil se leva doucement ce matin-là. Les rayons du soleil étaient orangés et commençaient à peine à éclairer le monde d'Elirondia. Les forêts semblèrent prendre feu sous cet astre levant et l'eau des rivières et lacs scintilla dans une beauté à couper le souffle. Les vents doux mais parfois frais d'Ekëstrim balayaient les feuillages ainsi que les mèches de cheveux et soulevaient les jupes des femmes. La journée promettait d'être belle et chaude. La légère brise permettrait de ne pas souffrir de la chaleur. L'aube était encore présente quand Abygaël se décida à se lever. Allongée dans ces draps blancs, elle s'étira, ouvrant lentement ses yeux pour laisser ses pupilles d'océan apparaître. Elle aimait sentir ses muscles se tendre dès le réveil. Elle aimait cette sensation d'avoir l'esprit vide quand elle se réveillait. Jamais ses doutes et ses souvenirs ne venaient la hanter à l'heure où son regard perçait pour la première fois de la journée l'atmosphère environnant.

La belle Ondalienne se leva, l'esprit quelque peu embrumé encore par la longue nuit qu'elle avait passé à cauchemarder. Depuis son enfance, ces nuits étaient baignées dans des cauchemars. Chaque soir, elle se couchait en espérant que sa nuit soit tranquille, sans rêve. Mais presque toutes les nuits, sauf dans de rares occasions, elle revoyait ses images de son passé qu'elle aurait mieux fait d'oublier. Souvent, Aby se revoyait jeune fille, quand la solitude avait pesé sur ses épaules. Puis le sang, l'odeur de la mort qui avait pris sa maisonnette. Les cris, et le corps sans vie de ses parents. Chaque nuit, ils mourraient pour elle, pour la protéger. Jamais elle n'avait sur ce qu'elle avait de si spécial. Sa mère adoptive lui disait souvent qu'elle avait en potentiel énorme, que jamais rien n'avait frôlé la puissance qu'elle avait et que beaucoup la jalouseraient. Mais était-ce vrai ? Est-ce à cause de sa magie que ses parents étaient morts ? La culpabilité la prenait à la gorge dans ses rêves. Elle n'avait rien fait pour les sauver, elle avait fui sans se battre pour leur vie comme eux l'avaient fait. De plus, quand ses parents ne lui rendaient pas visite dans ses cauchemars, une autre morte venait la hanter. En effet, sa mère adoptive était morte il y a quelques années de cela. Souvent, Abygaël la revoyait rendre sa vie à la déesse Nimyë pour s'enfoncer dans un sommeil profond et éternel.

La Souveraine sortit de son lit confiante ce matin. Aujourd'hui, elle s'était accordée une journée de repos. Pas d'audience, de réunions ou de rendez-vous, elle pouvez faire ce que bon lui semblait. A peine s'était-elle extirpée de son lit que déjà des servantes s'activaient pour refaire les draps. Certaines se hâtaient pour mettre de l'eau chaude dans la grande baignoire, grâce à leur magie, et d'autres préparaient les habits de leur souveraine. Entrant dans la salle de bain, Abygaël fit glisser sur sa peau au toucher de soie sa chemise de nuit. Bientôt son corps fut entièrement nu devant ses domestiques. Elle ne s'en soucia pas. Se croisant dans un miroir, l'Ondalienne s'arrêta pour poser un regard sur sa petite personne. Son corps semblait avoir était façonné par la déesse en personne. Sa taille fine et sa silhouette élancée montraient une merveilleuse femme dans le reflet de la glace. La peau blafarde semblait sans imperfection. Sa poitrine généreuse paraissait ferme et, sous l'effet du froid, ses mamelons se dressaient avec fierté. Pourtant, Aby reporta son attention sur son doux visage. Malgré ses nuits bouleversées par des images lugubres, ses joues roses et son absence de cernes ne laissaient rien paraître aux yeux des indiscrets. Elle se sourit et disparu du miroir avec son double.

Abygaël finit par se décider et sortit de son bassin d'eau chaude. Elle fut rapidement habillée et maquillée et ses cheveux brossés. Aujourd’hui, elle voulait être à l'aise et ses servantes semblaient avoir lu dans ses pensées. Bien vite, une simple brassière entoura sa poitrine généreuse, son vente plat restant à découvert. Un short léger en cuir recouvra son bas laissant ses jambes fines et longues à l'air libre. De plus, aucune paire de chaussures ne fut mises à sa disposition. Aby sourit. Parfait. Assise sur le bord de son lit, elle remua ses doigts de pieds en riant doucement. Cette journée lui serait consacrée, elle ferait ce qu'elle voudrait. Maintenant, elle voulait retomber dans son enfance trop vite terminée, de suite. Elle bondit de son lit et s'élança.

Le Palais de l'Eau était gigantesque, la bâtiment le plus grand d'Ekëstrim et aussi sûrement d'Elirondia. Ensemble de pièces magnifiques et de couloirs interminables, on découvrait tous les jours un petit détail dans chaque pièce. Pour la première fois depuis pas mal d'années, les domestiques virent une nouvelle chose. Une jeune femme, courant nue pieds dans les corridors du palais, riant légèrement de sa voix mélodieuse telle une enfant. Quoi de mieux que la nature pour la pureté, le calme et l'innocence ? Aussitôt, la Souveraine redevenue naïve pour une journée, s'élança dans la direction du parc du Palais. La végétation y était abondante et les jardiniers se démenaient tous les jours pour que l'endroit reste impeccable.

Abygaël ferma les yeux en arrivant dans le parc et huma l'air. Ses poumons se remplirent rapidement de la brise douce et fraîche. Elle sourit et rouvrit les yeux en reprenant sa route. Sous ses pieds nus, elle savourait la sensation de l'herbe fraîchement coupée, couverte de rosée. Le regard de la Souveraine se posa sur un plan de fleurs. Les couleurs chatoyantes parsemaient tout les jardins. Aby s'avança vers une jachère de fleurs bleues et blanches. Se penchant lentement, elle s'agenouilla face à elles. Son petit nez rond alla sentir l'odeur parfumée des plantes, les yeux fermés, les sensations se firent plus fortes. Elle se recula et admira la beauté de la nature. Assise sur ses talons, les mains posées sur ses cuisses nues, la Souveraine était en paix à cet instant précis. Rapidement, quelques filets d'eau de la fontaine avoisinante s'élevèrent dans les airs et formèrent une valse capricieuse dans le ciel. Puis doucement, l'eau vint se déverser sur le bouquet naturel. Souriante, Abygaël regarda son œuvre. Dans sa tranquillité, quelqu'un vint la déranger. Une voix résonna dans son dos en l'interpellant.

La jeune femme ne se tourna pas, elle ne bougea pas. Un de ses sourcils se arqua de manière très gracieuse mais son visage se figea, hésitant entre la surprise et la colère. Sa voix se fit neutre mais avec une légère tension, sans juger de son visiteur, elle dit:

" Me tenir compagnie ? Je pensais avoir précisé que je ne recevais personne aujourd'hui. Mes ordres sont plutôt clairs à mon avis. En douteriez-vous ?"

Toujours de dos, assise sur ses talons, se pencha légèrement pour caresser quelques pétales du bout des doigts. Quelque soit la personne qui avait osé la déranger, elle n'allait pas s'en sortir aussi facilement...

Jathel attendait toujours que la femme qui regardait ces douces et belles fleurs daigne répondre à son questionnement. Elle était encore plus belle qu’il ne croyait, prouvant réellement que les Ondaliens étaient bel et bien le Beau Peuple mais c’étaient des couards n’ayant qu’un seul moyen de battre leurs adversaires : la Ruse… Sa raison lui avait toujours dicté de ne jamais faire confiance à un membre de la Nation d’Ekëstrim, néanmoins, il se devait tout de même d’avoir celle de la Souveraine car si jamais une unification des Quatre ne se faisaient point, les Elirondiens ne survivraient point à la nouvelle puissance générée par les Bannis actuels. C’était ce que Mormont leur avait dit avant de sombrer dans le néant… « Thorgal est comme une hydre, si on coupe une tête, deux autres repoussent. Vous ne nous ferez plus jamais tomber car dorénavant notre puissance dépasse la votre… ». Cette menace ne l’avait nullement fait peur, cependant elle était préoccupante et réclamait une attention particulière des Quatre. Pour le jeune Héraut de Phoebia, il était grand temps d’en finir une bonne fois pour toute avec ces Êtres infâmes que sont les Bannis. D’ailleurs, même s’il n’avait point l’aval des Quatre, il déciderait de lui-même d’attaquer Thorgal avec ses Hommes, qui étaient plus que prêts à en découdre avec leurs Ennemis jurés. Inspirant longuement il fixait toujours de son regard perçant la Suzeraine des Ondaliens, qui prit finalement la parole d’une voix trahissant une légère tension :

" Me tenir compagnie ? Je pensais avoir précisé que je ne recevais personne aujourd'hui. Mes ordres sont plutôt clairs à mon avis. En douteriez-vous ?"

Jathel ne s’en offusqua nullement car elle avait raison tout de même. Il était vraisemblablement en train de la déranger, tant elle était occupée à admirer ses fleurs. Néanmoins, le jeune Héraut se sentit tout de même vexé qu’elle lui parle sur ce ton. Il n’était point un subordonné mais tout de même le Suzerain d’une Nation et malgré qu’elle soit elle aussi Suzeraine d’une Nation, il n’allait point se faire mener par les bouts des doigts et encore moins par une femme. Par conséquent, il répondit d’une voix légèrement froissée :

« Nul de vos sujets ne m’a entretenu que vous ne souhaitiez recevoir personne en ce jour. Je peux le concevoir, néanmoins, ma visite est des plus urgentes et que je ne vous laisserai point tranquille tant que je n’aurai point délivré mon message qui importe autant mon peuple que le votre, Dame Brost. »

Il s’interrompit, reprenant légèrement son souffle, puis reprit la parole d’une voix plus sèche encore mais amicale :

« Pour votre gouverne, très chère Souveraine, sachez que je suis le Héraut de Phoebia et que je ne me serai point entretenu avec vous si je n’avais point de bonnes raisons de le faire. Enfin bref, comme vous voudrez… Si vous souhaitez que votre Nation tombe sous le feu et le sang à cause des Bannis, faites ! Moi, pour ma part, je défendrai ma Contrée ainsi que l’Equilibre des Quatre. »

Sur ces mots, il lui tourna le dos et se promena être les fleurs. Il en riait jaune ! Cela s’annonçait mal, si les négociations commençaient ainsi. Tout le monde savait que Jathel Linandëis était un piètre négociateur, cependant tout le monde le redoutait pour sa puissance. Il était également apprécié pour sa fidélité et sa loyauté, ce qu’il était en train de faire preuve en ce moment, en souhaitant réunir le Conseil des Quatre pour rétablir l’Equilibre du Monde…

Les doux rayons du soleil ne cessaient de taper doucement sur les terres d’Elirondia. La peau légèrement bleutée de la Souveraine luisait comme si une fine couche de rosée recouvrait sa peau. On aurait pu la croire dans l’eau, ses branchies cachées sous sa longue chevelure brune auraient totalement fait l’affaire pour une promenade sous-marine. Pourtant, elle était assise, son regard perdu dans la beauté de la nature. Jamais la jeune femme n’avait cessé d’observer cette merveilleux flore ou faune qui peuplait son monde. Plusieurs fois, elle avait parcouru des territoires interdits dans le seul but d’en apprendre plus. Sa curiosité empiétait sur son savoir, tout ce qu’elle voulait, c’était s’emplir de connaissance. Tout l’intéressait : la musique, la science et l’art du combat. Jamais elle ne se lassait de se cultiver. La Souveraine ne rêvait pas d’être la plus intelligente ou autre, loin de là. Elle voulait juste assouvir sa curiosité sans fin. Émerveillée par la beauté de ses jardins, elle n’avait pas bougé. Attendant la réponse de l’homme qui la dérangeait, elle recommença à faire glisser quelques filés d’eau dans les airs, les menant dans une danse élégante et magique. La voix rauque dans son dos se fit froissée et répondit :

" Nul de vos sujets ne m’a entretenu que vous ne souhaitiez recevoir personne en ce jour. Je peux le concevoir, néanmoins, ma visite est des plus urgentes et que je ne vous laisserai point tranquille tant que je n’aurai point délivré mon message qui importe autant mon peuple que le votre, Dame Brost."

Abygaël fit la moue. Le bougre ne laisserait pas tomber si vite. Délivrer un message ? Qui avait-il de si important pour qu’un dirigeant d’une autre nation fasse venir un messager jusqu’à elle. L’homme reprit la parole, d’une voix dure mais légèrement amicale, ce qui ne fit en rien frissonner la belle femme.

" Pour votre gouverne, très chère Souveraine, sachez que je suis le Héraut de Phoebia et que je ne me serai point entretenu avec vous si je n’avais point de bonnes raisons de le faire. Enfin bref, comme vous voudrez… Si vous souhaitez que votre Nation tombe sous le feu et le sang à cause des Bannis, faites ! Moi, pour ma part, je défendrai ma Contrée ainsi que l’Equilibre des Quatre."

L’Ondalienne haussa un sourcil et se redressa, dos à lui. Epoussetant doucement son corps, elle fit tomber les deux ou trois brindilles qui étaient restées accrochées à son corps. Sa tenue légèrement ne couvrait que peu de parcelle de son corps mais cela ne la gênait en rien. Son short en cuir et sa brassière de la même matière furent rapidement remis en place par ses petites mains agiles. Elle passa une main dans ses cheveux, les lissant doucement puis se tourna pour faire face au fameux Héraut. Son regard océan se planta dans celui de l’homme naît du feu. Le reste de cette personne ne l’intéressait pas pour le moment, elle se contenta d’observer ses yeux d’une couleur étonnante. Le Héraut fini par lui tourner le dos, avança parmi les rangées de fleurs. Aby fixa ses pas, s’il touchait une seule de ses fleurs il s’en souviendrait… La Souveraine n’en savait pas plus sur cet homme. Ha si, il devait s’appeler… Jathel Linandëis ? Elle n’en était pas sûre mais elle l’appellerait comme cela, tant pis si elle se trompait.

" Vous pouvez bien être Menrath ou même Nimyë, je me fiche de votre titre quand vous me dérangez. Mais soit, passons."

Elle se racla doucement la gorge et bondit élégamment par-dessus une rangée de fleurs, aux côtés de l’homme. Il était connu pour être un de ces hommes machos qui ne supportaient en rien l’autorité féminine, mais Abygaël ne se laisserait pas faire par un sexiste de ce genre.

" Parlez-moi de cette histoire de Bannis… Que veulent-ils encore ?"

Le jeune Eradrin se demandait vraiment s’ils auraient besoin de ces lâches d’hommes de l’Eau… Plus il y pensait moins il embrassait son idée première de réunir de nouveau les Quatre pour former l’Alliance comme autrefois… En effet, comment se battre avec des Êtres comme les Ondaliens… Rien que d’y penser, cela rendait le jeune Héraut malade car de son fait, les Ondaliens ne représentaient point un grand Danger et en particulier parce que leur chef n’était autre qu’une femme… Gros défaut du jeune, c’était son sexisme très fortement prononcé, même s’il le dissimulait bien sous son charme. Cependant, comme ses pairs avant lui, le fait de voir une Femme à la Tête d’une Nation représentait l’échec de tout… Néanmoins, il ne dirait jamais cela car il avait tout de même du respect pour la gent féminine car tout le monde savait également que le Héraut ne refusait jamais une nuit en compagnie d’une femme et ce même si elle n’était point importante… Que ce soit une fille de la rue ou une fille de la Haute Société, cela revenait à la même chose… Pour lui, ce n’était que des personnes douées pour le rapport corporel… En pensant cela, le jeune Héraut souriait intérieurement car il espérait avoir cette Souveraine des Ondaliens, malgré ses manières qu’il n’aimait point. Ça serait comme qui le dirait « sa cerise sur le gâteau »… Qui ne rêverait point d’avoir un si joli bout de femme… Mais soudain une image d’une autre Ondalienne apparut dans l’esprit du jeune Eradrin… Il ne pouvait point obtenir la Souveraine, en souvenir de la Conseillère. Ses yeux s’enflammèrent légèrement quand il repensa aussitôt à cet événement qui pourrait lui coûter une vie… Il continuait sa progression entre les fleurs du jardin quand il entendit de nouveau la voix de l’Ondalienne.

" Vous pouvez bien être Menrath ou même Nimyë, je me fiche de votre titre quand vous me dérangez. Mais soit, passons."

Le jeune Héraut rit intérieurement. Mais il ne disait toujours rien et continuait tranquillement sa petite promenade entre les fleurs… Il savait que si jamais il posait la main sur celles-ci, la jeune Souveraine s’occuperait de son cas et malgré l’envie de brûler certaines, il résista à la tentation car il ne souhaitait nullement lui faire du mal… Bien que son sexisme était gigantesque, Jathel reconnaissait tout de même le talent des Femmes et il s’était toujours promis de ne jamais lever la main sur elles à moins d’en être fortement obligé… Pendant ce temps, elle avait gracieusement bondi à côté de lui et elle disait d’une voix lasse :

" Parlez-moi de cette histoire de Bannis… Que veulent-ils encore

Il s’arrêta lentement puis avec autant de lenteur, il se tourna vers elle et plongea son regard de feu dans le bleu azur du sien. Le jeune Héraut ne disait rien pour le moment, appréciant légèrement les quelques secondes pour l’admirer puis il inspira longuement et dit de son habituel ton froid :

- La Guerre, très chère ! La fin de toutes choses ! La fin de vos chères fleurs

Il se mit à rire nerveusement puis à faire les cent pas et reprit son récit d’un air très sérieux, regardant le ciel d’Ekëstrim :

- Le Patriarche des Merisiens et moi-même avions quelques semaines plus tôt poursuivi un Banni qui sévissait dans nos Nations respectives. Celui-ci était chargé par ses chefs de corrompre le maximum de personnes afin de semer le trouble et la confusion dans les esprits de chacun et de chacune…

Il s’interrompit légèrement, essayant de contenir la colère qui bouillonnait dans son corps, lorsqu’il repensait à cette terrible traque, puis après une longue inspiration et un bref regard vers le ciel, il reporta son attention sur la Souveraine Brost et reprit d’une voix qui trahissait son profond dégoût envers les Bannis :

- Le Banni traqué, du nom de Mormont avait été chargé par le Roi-renégat lui-même de faire cela pour que les peuples soient confus lorsqu’ils passeront à l’attaque… Il vit le regard étonné de la jeune Ondalienne et il ajouta d’une voix calme mais trahissant sa colère cette fois : Nous avions pu lui soutirer que le Roi-renégat préparait à l’heure qu’il est, une guerre qui mettrait en cause l’Equilibre des Quatre… Et de mon expérience ainsi que celle du Patriarche Arthrond, même nous Seigneur de Nation, nous aurions du mal à les vaincre dorénavant… Nous faiblissons à cause de nos petites querelles tandis que les Bannis eux-mêmes grossissent leurs rangs et deviennent de plus en plus forts…

Il acheva sa tirade dans un léger souffle tandis qu’il ne la quittait plus des yeux… Normalement après la Souveraine des Ondaliens, il devrait partir à la rencontre du Grand Pontife des Ethérés… Les Quatre devaient être aussi prêts que l’Ennemi…

Le temps était magnifique en ce jour et personne n’aurait pu en douter. Les quelques gouttelettes qui étaient restées en suspension, portées par la magie de la Souveraine, retombèrent avec grâce sur l’herbe verte. Les rayons du soleil les transpercèrent, donnant naissance à un léger arc-en-ciel qui se fit bien vite invisible. Le chant de plusieurs oiseaux résonnait de si bon matin comme une mélodie enchanteresse, quelques papillons volant dans une danse élégante comme pour accompagner cet air joyeux. Chaque fleur semblait absorber la moindre luminosité, se redressant comme pour prendre une bouffée du vent frais mais appréciable. Si seulement la nature avait su ce qui allait se passer...

Marchant aux côtés de l’homme de feu, Abygaël laissait son regard vagabonder sur la beauté de la nature environnante. Elle avait toujours adoré venir ici. Les Jardins d’Eden, comme elle les avait nommés, restaient une de ses plus grandes fiertés. En effet, avant, des grandes étendues d’herbe faisaient office de jardins du palais. Mais d’après la Souveraine actuelle, rien de tout cela n’était à l’image des Ondaliens. Peuple raffiné et organisé, elle avait décidé, à son jeune âge, de refaire ces vergers pour les transformer en un parc naturel. Bien vite, jardiniers et paysagistes avaient œuvré à la tâche. L’herbe avait été taillée et des arbres et fleurs plantés partout. Une fontaine trônait maintenant dans le milieu des jardins et autres recoins cachés détenaient encore des surprises étonnantes.

Le Héraut ralentit alors qu’ils marchaient côte à côte, se calant à sa hauteur, Aby calma son allure lentement. Tournant la tête vers elle, il planta son regard chaud dans le sien. Des yeux de feu admiraient ceux d’océan. La Souveraine se mit à réfléchir au tant de choses qui les séparaient. Après tout, les Ondaliens étaient craints des Eradrins même si cela ne l’avoueraient jamais. Leur magie pouvait surpasser celle du feu, c’était naturel. Mais de ce fait, les Eradrins et les Ondaliens pouvaient être ennemis par défaut. Elle chassa ses idées de ses pensées, elle ne voulait pas cela, malgré le fait que Jathel semblait mal à l’aise ici. Si les Bannis étaient une menace, autant être alliés pour le moment…

Le brun à la peau mate inspira et prit la parole d’une voix dure et froide. Comme elle s’en doutait, les Bannis voulaient la guerre. Elle haussa un sourcil quand il parla de ces fleurs. Inconscient ou bizarre cet homme ? Ils parlaient tout de même de guerre. Abygaël finit par passer outre ce détail. Ce peuple en voulait aux autres races d’avoir été par le passé, déchus de leur pouvoirs et autorité. Aujourd’hui, il paraissait logique qu’ils veuillent récupérer leur gloire passée. Jathel rit d’un air stressé et reprit sa marche, ses yeux rivés sur le ciel bleu et sans nuage. Rapidement, il explique à la Souveraine des Ondaliens ce qu’il s’était passé. A priori, quelques semaines auparavant, le Patriarche, Vuzlin Arthrond, qu’elle ne connaissait que de nom, et l’homme présent avaient attrapé dans leurs deux nations un banni chargé de corrompre hommes et femmes. Cherchant à les rallier avec eux par l’embobinement et le mensonge. Jathel se tut un instant, réfléchissant alors qu’Aby fit de même. Ces hommes étaient dangereux, si une guerre devait être livrée, elle serait destructrice et meurtrière, c’était certain. Après quelques minutes, le Héraut reposa son regard sur elle. D’une voix dégoutée et froide, il reprit encore une fois la parole :

" Le Banni traqué, du nom de Mormont avait été chargé par le Roi-renégat lui-même de faire cela pour que les peuples soient confus lorsqu’ils passeront à l’attaque… Nous avions pu lui soutirer que le Roi-renégat préparait à l’heure qu’il est, une guerre qui mettrait en cause l’Equilibre des Quatre… Et de mon expérience ainsi que celle du Patriarche Arthrond, même nous Seigneur de Nation, nous aurions du mal à les vaincre dorénavant… Nous faiblissons à cause de nos petites querelles tandis que les Bannis eux-mêmes grossissent leurs rangs et deviennent de plus en plus forts…"

Le Roi-Renégat lui-même ? La Souveraine fronça les sourcils, c’était du sérieux s’il chargé lui-même des hommes d’accomplir des tâches pour lui. L’homme de feu avait parlé d’une voix trahissant sa colère et son impossibilité d’agir pour le moment. Abygaël sentit à son tour une boule se former dans son ventre. Alors on en était là… La mort et la guerre devaient être le seul échappatoire à cette situation. Elle aimait se battre certes, mais elle ne voulait en aucun cas que son peuple soit décimé. Les deux autres dirigeants avaient raison. Les querelles entre les Quatre nations ne pouvaient continuer, elles devaient cesser pour laisser place à une alliance. Les Bannis étaient puissants, peut-être moins qu’eux, mais ils feraient des dégâts quoiqu’il arrive. La belle femme soupira, desserrant ses poings qu’elle avait contractés sous l’effet du désespoir et de la colère. Son regard couleur de la mer lança des éclairs. Elle parla de sa voix douce mais tranchante qui se fit rapidement autoritaire.

" Je vois. Si c’est ce que veulent les Bannis, ils l’auront. Ils auront la guerre. Nous devons faire une alliance. Qu’en est-il du peuple de l’air ? A Quatre nous serons plus forts. Dans tous les cas, vous aurez mon soutien. Il serait bien que nous nous rencontrions tous. Je pense qu’une discussion ou un débat s’impose. Venez."

N’attendant aucune réponse, elle pivota et se dirigea vers le palais. Ses pieds nus se remarquèrent plus la douceur de l’herbe, ses cheveux ne prirent plus aucun plaisir à sentir la brise les faire bouger, ses yeux fixaient droit devant elle. Aujourd’hui, Abygaël devait laisser sa nostalgie sur son enfance de côté, les enfantillages étaient terminés. La guerre ne la réjouissait pas, mais elle ferait tout pour la gagner. Lançant au Héraut qui la suivit derrière, elle continua sa marche rapide.

" Vous avez un plan ?"

L’Eradrin regardait la Souveraine des Ondaliens tout en pensant aux actions à mener contre les infâmes bannis. Cependant, se connaissant peu désireux d’aller en guerre en compagnie d’une femme qu’il ne pourrait contrôler à sa guise, Jathel ne voyait point d’un bon œil l’engagement de l’Ondalienne… Malheureusement pour lui, il se devait de mettre de côté ses préjugés pour le bien de l’Equilibre. Il inspirait donc longuement et faiblement tout en la fixant pendant qu’ils marchaient toujours côte à côte. Elle s’était mise à parler, à préciser ce qu’il savait déjà sur le choix de la Souveraine… Ainsi donc la guerre allait bel et bien avoir lieu, néanmoins, il savait que cela ne serait point de sitôt. En effet, il leur faut trouver le Grand Pontife d’Altheria qui avait disparu de la circulation d’après les Ethérés… Jathel savait très bien que sans le Pontife, ils ne pourraient espérer une vraie victoire contre les Bannis qui devenaient de plus en plus forts, tandis que les Puissances générées par les Pierres diminuaient petit à petit au rythme de la chute progressive des Quatre à cause de leurs conflits internes…

Prenant la direction du bâtiment qui constituait le Palais de l’Eau, les deux Souverains de Nation discutaient toujours, puis soudainement, l’Ondalienne avança plus vite mais s’arrêta aussitôt pour se tourner vers Jathel qui haussait un sourcil. Elle lui demanda s’il avait un plan… Le jeune Héraut se mit à rire intérieurement, néanmoins il ne laissait rien paraître sur son visage brun. Bien sur qu’il avait plan et il consistait à obtenir de tous les autres Seigneurs de Nation une Alliance afin de supprimer tous les Bannis et ce jusqu’au dernier de leurs Guerriers. Le Héraut souhaitait pousser le vice encore plus loin car il voudrait exterminer la menace Bannie pour toujours… Il inspira profondément tandis que la Souveraine reprenait sa progression ; il la suivait d’un air calme et répondit d’une voix neutre :

« Oui j’ai un plan pour cette prochaine guerre… Mais si vous le voulez bien, je voudrais vous en parler un peu plus en privé dans votre demeure. Nous serons assis, ce qui est un excellent point lors d’une séance de discussion… » Il l’avait rejointe en peu de temps et plongeait son regard rougeâtre dans celui de saphir de l’Ondalienne. Il rajouta : « Qu’en dites-vous ? Et au fait, je vous trouve en beauté dans votre tenue »

Il sourit en coin et attendait la réponse de l’Ondalienne tout en fixant devant lui. L’avenir d’Elirondia se jouerait bientôt, il fallait que les Quatre se réunissent à nouveau pour un but commun. Tout en pensant à cela, Jathel se disait que les Eradrins, bien que piètres négociateurs, étaient de loin les Meilleurs combattants des Quatre Nations réunies et en particulier, les Gardiens du Héraut. Ces Eradrins étaient ce qu’on appellerait des Forces Spéciales, l’Elite de l’Armée de Phoebia…