Lakshmi était si bien dans les airs à voler comme tant d'humains souhaitaient le faire, de plus que sa monture était si docile et affectueuse qu'elle n'avait rien à craindre hormis qu'elle disparaisse au bout d'un certain moment. C'est ce qui se passa après un bon temps passé à voler, elle sentait sa créature devenir plus faible ce qui eut l'effet d'alerter la cavalière qui se concentra pour y mettre toutes ses forces pour garder l'hippogriffe encore un peu, le temps d'arriver au palais, quite en en perdre sa force et arriver au domicile en sueurs et tomber évanouie. D'en haut, elle voyait son père et la cavalerie galoper et sut qu'elle était d'avance. Elle augmenta la vitesse pour venir se poser dans la cours d'une façon si peu élégante qu'elle fit reculer des gardes qui ne s'étaient pas souciés de la voir atterrir si brutalement. Sans attendre, l'hippogriffe retourna d'où il venait, soit dans l'imagination de la princesse, et laissa sa maîtresse essoufflée. Des gardes s'approchaient prudemment alors que d'autres plus courageux s'approchaient plus rapidement, la touchaient pour savoir si elle était blessée et demanderaient déjà des secours si la princesse ne leur avait pas demandé de la laisser tranquille. Elle reprit ses esprits, replaça ses mèches brunes et ajusta ses vêtements en voyant arriver son père. Lorsqu'il entra dans la cours, elle se tenait près de la porte du château, mains liées dans son dos et visage inexpressif qui n'exprimait pas qu'elle ait pu avoir quelconques difficultés dans les cieux. Lorsque le cheval d'Elysear s'immobilisa, elle s'approcha de lui pour l'aider à descendre malgré ses protestations. Marchant un peu tous les deux en direction de la porte, elle se réagit pas lorsque son père posa sa main sur son dos et lui annonça qu'il devait lui parler. Un haussement de sourcil suivit les paroles de son père, il était rare que son père avait tant besoin de lui parler et que ça semblait si... Sérieux.

Bien sûr père, allons dans tes appartements, nous serons à l'abri des oreilles indiscrètes.

Marchant dans les couloirs du château, aucunes paroles ne furent de nouveau échangées jusqu'à ce qu'ils arrivent dans les appartements du roi. Elle le dirigea vers son salon privé et l'aida à s'asseoir sur un des fauteuils avant d'allumer un feu dans le foyer et de retirer ses gants en se retournant vers son père.

Je t'écoute.

Elle s'assit sur le deuxième fauteuil et demanda à une domestique de leurs apporter un thé à chacun avant le début de ce que son père avait lui dire. Elle dévoilait jamais ses mains en public, préfèrant le port de ses gants sombres bien que pourtant, ses doigts n'aient rien de repoussant. Ils étaient longs comme la moyenne, vernis de noir et bien taillés alors que ses mains ne semblaient porter aucunes blessures. C'était une habitude qu'elle avait prise lorsqu'elle était plus jeune et elle ne l'avait pas quitter.

Lakshmi porta la tasse de thé aux effluves de framboise à ses lèvres lorsque son père commença à parler. Elle avait hâte de connaître le pourquoi se cette discussion et le pourquoi son père semblait si mal dans sa peau. Il n'était pas rare que tous les deux aient des conversations sur ces fauteuils avec des tasses de thé en mains mais leur conversation ne commençaient jamais si sérieusement. Parfois ils parlaient de leurs journées respectives ou de celles à venir, tout dépendait. Son père commença par la complimenter ce qui eut l'effet de la faire baisser les yeux sur sa tasse avec un petit sourire en coin puis lorsqu'il en vint à l'histoire de la vérité, un mauvais pressentiment lui serra le coeur. Il s'apprêtait à lui dire quelque chose qui risquait de la bouleversé, quelque chose qu'il lui avait caché. Sans rien dire, elle l'incita à continuer sur sa lancée d'un petit hochement de tête mais fut encore plus inquiète de la suite à entendre la respiration saccadée de son père et à voir ses tremblements alors qu'il tentait, en vain, de porter la tasses à ses lèvres. La situation de son père se dégradait et ça lui faisait mal au coeur. Lakshmi n'avait toujours rien dit. Elle leva les yeux, croisant le regard des domestiques au moment où son père appuya sur le "Seul à Seul" et les força à quitter la pièce d'un seul regard, respectant les demandes de son père. Elle se raidit automatiquement lorsqu'il annonça qu'il voulait lui parler d'Irina, sa mère. Celle dont elle cherchait l'assassin, le meurtrier... Gardant les yeux baissés, elle entendit la dernière phrase de son père qui bien qu'elle s'y attendait légèrement, la fit sursauter et échapper la tasse de thé qui se fracassa en plusieurs morceaux sur le sol. Lakshmi, comme son père, tremblait. De rage, de faiblesse, de peine ... ?

Pardon ?

Levant les yeux vers son père, c'était tout ce qui sortit en premier de sa bouche. Son père venait de lui dire qu'il était responsable de la mort de sa chère mère et qu'il l'avait laissée se réveiller chaque matin avec le chagrin au coeur mais la vengeance en tête. Qu'il l'avait laissée partir plusieurs jours à la recherche d'indices pour accomplir sa vengeance, tuer celui qui avait enlevé sa génitrice à ce monde.

Tu... as tué ma mère... Et menti, si longtemps...

Elle se leva, posant les pieds sur les morceaux de porcelaine et le liquide chaud aux framboises qui se trouvait au sol. Elle s'approcha du foyer, tournant le dos à son père pour lui cacher les larmes qui coulaient sur ses joues en réalisant l'ampleur de ce que son père lui avait dit.

Lakshmi se raidit en sentant son père se lever, prête à lui échapper si il essayait de la toucher mais il n'essaya pas, comme si il savait d'avance que sa fille allait éviter son contact. Elle avait l'impression que seule la présence du meurtrier de sa mère dans la même pièce qu'elle était un coup de poignard dans le dos. Juste le fait de savoir la vérité était douloureux. Elle avait pas envie de connaître toute l'histoire et le comment il s'était approprié la vie de sa mère. Quand il se remis à parler, son doigts se raidir sur l'étagère au dessus du foyer et ses ongles tentaient de pénétrer dans le bois. Elle n'ignorait pas qu'elle allait se faire mal si elle continuait mais elle s'en fichait, elle devait passer sa rage sur quelque chose et puisqu'elle ne le pouvait pas sur son propre père, elle se rabattait sur cette pauvre étagère après avoir brisé sa tasse de porcelaine sur le plancher lorsqu'elle avait entendu son père dire qu'il était responsable. Lorsque le roi reprit la parole, elle l'écouta sans rien dire jusqu'à ce qu'il ait finit.

Est-ce que tu peux m'épargner l'histoire ou tiens-tu absolument à tourner le fer dans la plaie, père ?

Elle se retenait pour ne pas exploser de rage et tout briser dans la pièce, à commencer par son père et sa voix le prouvait. Elle était froide, perçante et tranchante et ne laissait place à aucun pardon immédiat. Elle aurait besoin de temps pour digérer la nouvelle et, éventuellement, pardonner à son père quoiqu'elle ne se sentait pas capable de le faire. On se dit souvent que la mort d'une mère de famille brise le coeur de son homme et défait une famille. C'était drôle de voir que ce n'était pas son cas.. .Que son père n'était nullement triste malgré ce qu'il pouvait bien lui dire. Il avait arraché la vie de sa mère si facilement. Toutefois, elle avait envie d'entendre ce qui avait poussé son père à faire ce choix... À sacrifier sa femme. Elle avait envie de comprendre.

Peu importe, dis. Je veux savoir pourquoi tu as osé, qu'est-ce qui te tentait dans cette pratique morbide mais tu peux laisser de côté les compliments sur ma façon d'être qui me permettra de mieux diriger Thoral lorsque tu ne seras plus. Et pas la peine de me dire que tu aimais ma mère et que tu regrette tes actes. Je ne te croirai jamais...

Elle essuya ses larmes d'un geste rapide avant de quitter le foyer et de retourner s'asseoir sur les divans rouges... De la même couleur qu'avait dû être le sang de sa mère lorsqu'il l'avait tuée. Elle leva les yeux vers lui et l'observa, dos à elle. Elle soupira de déception avant qu'il ne reprenne la parole. Elle avait tellement eu confiance en lui et d'un geste, d'une phrase il avait réussi à briser tout cela. Le pire dans toute cette histoire, pour Lakshmi, n'était pas qu'il avait tué sa génitrice mais bien qu'il lui avait menti pendant si longtemps.

Lakshmi sentait la colère dans la voix de son père alors qu'il lui répondait. Bien sûr, sa fille ne croyait pas une seule miette de ce qu'il osait lui dire. Dire qu'il n'avait pas tué la mère de sa propre fille puis lui demander de ne plus répéter ces paroles en sa présence. Un rire s'échappa de la gorge de Lakshmi alors qu'elle secouait la tête en gardant les yeux baissés. Tout ce que disais son père sonnait faux à ses oreilles malgré la rage qu'il y mettait. Étonnement, on aurait dit que la perdue dû à son âge revenait avec les souvenirs du passés. Qu'il retrouvait sa vigueur, la seule et unique qui lui avait permis de gagner son trône et de le tenir pendant de longues années. Son père finit par revenir s'asseoir mais la princesse, qui avait relevé la tête à l'approche du Roi, voyait très bien qu'Elysear fuyait son regard. Il fuyait le regard provocant, fâché et perçant de sa propre fille parce qu'il lui avait avoué avoir tué sa mère... Pour une raison de pouvoir, en plus ! Sans penser aux conséquences ou à la tension qui se trouvait entre elle et lui, la princesse n'hésita pas une seconde à interrompre son père d'une voix qu'elle voulait calme mais qui sonna comme son humeur, comme son état d'âme... Soit horriblement blessée.

Tu as tué ma mère pour rester sur le trône plus longtemps... Pour le bonheur "de ton peuple" ou pour le tiens ? Pour la gloire des bannis ou pour la tienne ? Est-ce qu'Irina aurait finalement servie qu'à engendrer une héritière pour ton trône ? Pour que ta lignée ne se voit pas détruite par la mort qui te ravagera un jour ?

Pleins de questions, toutes fusaient comme une attaque. Elle avait utilisé le mot "tué" pour désigner ce que son père avait fait à sa mère plutôt que de dire ce qu'il voulait. Mais Lakshmi n'allait pas se laisser laver les idées par un meurtrier sans coeur. Il avait fait ce qu'il avait voulu faire, le passé était le passé mais jamais, au grand jamais, elle ne le laisserais choisir ses mots. Lorsque son père se mit à parler d'une créature puissante, les yeux de la princesse glissèrent sur le sol, fixant l'ombre qui s’émanait de son père. Elle n'avait jamais aimé ce pouvoir semblait trop mauvais et elle avait toujours essayé de l'ignorer mais une crainte lui naissait au coeur alors qu'elle comprenait les mots de son père. Pour elle-même, elle chuchota:

Tout ça pour un stupide pouvoir...

Relevant les yeux vers son père, elle inspira longuement en tentant de se calmer au même moment où il se montrait doux envers elle. Elle ne pouvait pas rester trop longtemps fâchée contre lui. Malgré toutes les horreurs qu'il pouvait faire, malgré toute la crainte qu'il pouvait inspirer aux autres, Lakshmi aimait son père. Elle l'aimait plus que quiconque et tenait à lui plus qu'à sa propre vie. Une question lui montait à l'esprit mais elle hésitait à la poser. Jouant avec ses mains, son regard se posa sur tout hormis son père avant de se baisser sur ses mains alors qu'un soupire s'échappa d'elle.

Devrais-je faire pareil... ? Sacrifier quelqu'un que j'aime pour rester un pouvoir lorsque ce sera mon tour ?

Lakshmi voyait dans les yeux de son père le désaccord face à sa réaction mais quelle autre réaction aurait-elle put avoir à l'annonce du meurtre de sa mère par son père ? La princesse s'appliquait à masquer son expression faciale à chaque secondes qui passaient. Si elle s'écoutait... Bon dieu, si elle s'écoutait... Elle démolirait les appartements de son père sans se laisser abattre par le fait qu'il essaierait de la stopper puis... puis elle s'occuperait de lui. Elle s'était promise de venger sa génitrice, elle avait tant cherché celui qui avait enlevé Irina à ce monde alors qu'il l'observait tranquillement, en silence, la laissant s’essouffler à chercher avant de lui envoyer la vérité au visage. Elle aurait cru compter un peu plus aux yeux d'Elysear pour qu'il ne lui mente pas sur quelque chose d'aussi important. Elle était la future reine, la prochaine à monter sur le trône mais si elle laissait son propre père la trahir, qui d'autre en serait capable ? Qui d'autre s'amuserait à ses dépends ? En l'entendant parler de cauchemars, ses yeux se posèrent sur l'ombre à ses pieds, la faisant grimacer. Elle se souvenait de cette nuit ou un assassin avait réussit à pénétrer le château et encore plus les appartements de son propre père, sans Cauchemars, il serait mort.

Cauchemars... Je lui suis reconnaissante de t'avoir sauvé de cet assassin mais je lui en veux de te tuer un peu plus chaque jours. Je penserai à mon peuple en premier lorsque je serai à ta place mais je ne laisserai rien m'abattre... Encore moins une stupide ombre. Je ne laisserai rien enlever la vie de mes proches tout comme je ne laisserai absolument rien venir prendre de mon énergie vitale comme Cauchemars le fait avec toi... Papa, t'es-tu regardé dans une glace ? Tu es faible... Et ça parait. Si l'ombre devait prendre de ton énergie vitale pour te défendre d'une nouvelle attaque, tu pourrais en périr.

Elle baissa la tête, se sachant pas préparée à perdre son père, si peu de temps après avoir perdu sa mère. Elle se trouvait trop jeune pour devenir reine sans aide. Bien sûr, il y avait Isthrion, conseiller de son père depuis sa naissance, qui pourrait l'aider mais ce n'était rien comparé à l'aide qu'un père serait en mesure d'accorder à sa fille. Et puis... Le deuil. Elle était en colère contre son père mais était tiraillée par l'amour qu'elle lui portait. Elle ne pouvait pas lui en vouloir, elle ne pouvait pas perdre ses derniers instants avec lui.

Si tu n'avais pas fait couler le sang, papa... Tu ne serais plus ici. La peur que tu as imposé aux Bannis te garde en place. C'est pour cette raison que ton état m'inquiète. Te sachant faible et succédé par une princesse gentille et naïve , c'est le moment tant attendu pour se défaire de toi puis de moi avant de déclarer des guerres civiles pour le trône.

Elle se leva à nouveau, se dirigeant vers la fenêtre où son père se trouvait quelques instants plus tôt mais ne prit pas de temps pour regarder à l'extérieur, elle se retourna vers son père encore assis sur son fauteuil après quelques pas.

Il existe quelque chose pour te garder en vie et en forme plus longtemps ?

Elle s'accota contre le mur et croisa les bras sur sa poitrine en observant Elysear. Si il existait ne serais-ce qu'une seule chose qui pouvait le préserver, Lakshmi partait le chercher sur le champ. Elle voulait garder son père à ses côtés le plus longtemps possibles. La mort n'allait pas lui arracher tout de suite...

Spoiler:

la mort... la mort... la mort. C'était tout ce qui pouvait sauver son père de cauchemar et elle le savait bien qu'elle avait senti le besoin de demander à Elysear si un alternative serait envisageable. Son père prit une voix douce, rassurante, paternelle en s'avançant vers sa fille. Il lui parla alors que les yeux de Lakshmi s'égaraient un peu partout dans un long soupir. Sans le savoir, elle avait pensé la même chose que lui. Si l'ombre ne voulait plus de lui, elle n'aurait certainement aucun remord à le tuer. La créature ne pensait pas, ne ressentait rien et n'agissait que dans son propre intérêt. Humain, nous l'aurions traités d'égoïste, de sans coeur... Son père lui parlait, tentait de la rassurer mais Lakshmi n’écoutait pas. L'heure n'était plus aux questionnements dû à son règne éventuel mais à l'état, au sort, de son père. Il avait beau la préparer du mieux qu'il le pouvait pour le trône, elle ne pouvait s'empêcher de penser que si elle devait devenir reine... Ce serait parce que son père ne serait plus de ce monde. Comment pourrait-elle tout simplement s'imaginer diriger un royaume avec un deuil sur le coeur ? Si fragile, si sensible, était la douce Lakshmi... Deviendrait-elle aussi cruelle que son père avait pu l'être une fois le seul membre de sa famille mort ? La main du roi sur son épaule était seul démonstration d'affection et de soutien pour le moment. Son regard si froid et si dur qu'il a d'habitude démontrait l'amour qu'il prouvait pour elle et, surtout, tout l'espoir qu'il mettait en elle au sujet de sa gouverne.

Le peuple ne m'aime que pour une chose, papa: Ma souplesse. Ils m'aiment parce qu'ils savent qu'à tout moment je pourrais les défendre contre toi. Moi... Je suis faible, je ne suis rien. Sans toi pour leur donner la terreur, ils m'élimineront. Je ne suis qu'un obstacle mineur au trône. C'est toi qui les maintiens en place.

Voyant le regard de son père se durcir, elle comprit sans plus que la prochaine phrase serait importante, voir difficile. Elle combla en effet toutes ses attentes. Ses ennemis, pas à l'extérieur des murs mais plutôt à l'intérieur ? Ceux qu'elle croisait chaque jour ? Impossible...Quelques images s'incrustèrent dans son esprit. Isthrion et toutceux qu'elle connaissait depuis son enfance seraient-ils vraiment des dangers potentiels ?

Qui... ? As-tu une idée précise de qui pourrait représenter une menace, de qui pourrait se rebeller une fois le trône "libre" ?

Elle leva les yeux vers lui, cherchant une réponse qu'elle s'appliquerait à avoir avant de quitter les appartements du roi. Si il lui disait ça... Il devait avoir une idée en tête. Un sentiment de vide l'envahissait depuis le début de la conversation. Lakshmi ferma les yeux un moment, appela mentalement Shenosha qui, la seconde qui suivit, se matérialisa près de Lakshmi et vint nicher son museau contre le corps assis de sa maîtresse. La bête était grosse, imposante et effrayant mais elle était aussi réconfortante qu'un petit chaton ou une tasse de thé.